mercredi 14 mars 2012

L’indifférence jouissive, abusée.

Il se regarda dans le miroir et il ne put s'empêcher de rire. Il avait vraiment l'air d'une merde. Une vieille merde négligée, abandonnée sur le trottoir et ignorée de tous. Vous savez, lorsqu'on applique la politique du je-m’en-foutisme dans sa propre vie, parfois il y a des répercussions non désirées, un peu comme des effets secondaires. Pour sa part, il ne pouvait pas avoir moins l'air de rien. Ses cheveux étaient longs. Vraiment trop longs. Et ils allaient dans tous les sens, trop indomptables, refusant de se faire dire quoi faire. Un peu à l’image de leur propriétaire, dans le fond. Il s'approcha la figure du miroir. Il avait vraiment les plus petits yeux du monde. On aurait dit qu'ils se refusaient à la vie. Ils se disaient: «Tu veux te lever ? Parfait, mais ce sera sans nous !». Non, décidemment, leurs plus beaux jours étaient à présent hantés par des cernes d'un noir quasi-surnaturel, surmontés par ses lunettes, aussi noires, qui n'arrangeaient absolument rien à la situation. Il recula un peu. Il avait vraiment un teint de mort. Genre qui n'avait pas vu le soleil depuis des jours. Il avait l'air d'un cadavre, voilà. Un cadavre qui s'en foutait royalement. Un cadavre qui avait choisi que ça ne lui intéressait plus tout ça. Qui avait tout simplement eut envi de couper tous les vieux ponts. Les vieux ponts qui, de toute façon, s'effritaient très bien tous seuls. Il avait simplement décidé d'arrêter de réparer toutes les petites brèches qui apparaitraient. Et, un beau jour, toutes les petites fissures se regrouperont et formeront de grosses fentes qui feront crouler le tout. Et alors, plus de pont. Rien du tout. Seul la liberté et l'insouciance de n'être responsable de rien l'accompagneront. Par contre, ne vous méprenez pas, il n'était pas stupide. Il savait très bien que tôt ou tard il en payerait le prix. Mais pour l'instant, tout allait très bien et c'était l'essentiel. À part pour ces longues et pénibles nuits qu'il passait à angoisser jusqu'au plus profond de son âme. Ces longues nuits glaciales passées en solitaire avec sa conscience qui lui grugeait le cerveau. Ces nuits, qu'il détestait tant. Ces nuits qu'il espérait ne plus jamais revivre.

Et ce n’était que le lendemain soir (c'était toujours durant les lendemains soirs qu'il était le plus lucide), en se regardant dans le miroir, qu'il comprenait que tout le jeu en valait complètement la chandelle. Et sa gueule de merde, il l’arborait à présent avec une certaine fierté qu’il ne tentait aucunement de cacher. Pourquoi vouloir cacher autant de satisfaction ? Il n'était pas heureux, non. Mais il venait de goûter à un fruit trop savoureux pour être recraché. Sans compter que ça lui arrangeait beaucoup ce nouveau style. Il était inatteignable, il était invincible. Il était un dieu.